lundi 2 septembre 2013

Collaboration: voici venu le temps d'urbaniser le SI, pour éviter le chaos 2.0


L'époque des aventuriers du 2.0

En 2008-2009 tout était plus simple. Peu d'entreprises avaient identifié le collaboratif comme un nouveau domaine du SI de l'entreprise. Peu d'offres existaient sur le marché. Et ceux qui à cette époque se lançaient partaient uniquement d'un intranet et de bases documentaires qui commençaient à proliférer depuis quelques années, pour essayer de les rationaliser.


Valeo par exemple s'est attaqué dans les premiers à la création d'une entité interne spécialisée sur la collaboration ("Office Automation"), pour faire table rase du passé et offrir aux utilisateurs un nouvel environnement de collaboration plus riche, mieux intégré et surtout moins cher. Car dans un contexte 2009 de crise et de réduction des coûts (recul du chiffre d'affaires de Valéo de 14%, et perte nette en 2009), ce type de projet informatique remportait la faveur de la Direction et calmait, au moins temporairement, les nombreux freins au changement


Et comme souvent en informatique, les promesses ne manquaient pas à l'époque. Microsoft par exemple voyait Sharepoint 2007 + Office, comme la plateforme qui allait traiter la collaboration depuis l'individu qui classait ses documents sur son PC (le truc anticollaboratif au possible, quoi!) jusqu’à l'internet et à la collaboration étendue à l'extérieur de l'entreprise.

L'avenir en aura finalement décidé autrement, et l'internet fixe puis ensuite mobile, fera la course en tête, très loin devant l'entreprise, ses utilisateurs et ses PCs. La flèche d'adoption s'est inversée !


 


Entre 2009 et 2012, d'autres entreprises ont suivi et les outils 2.0 se sont développés. Certains pour remplacer l'email comme BlueKiwi avec la plateforme ZEN (Zero Email Network), d'autres pour ouvrir les relations dans l'entreprise et y partager tout ce qu'il y avait à partager (documents, photos, vidéos...). Dans tous les cas pour offrir une alternative interne aux salariés, à la pléthore d'outils collaboratifs qui se développait sur l'internet... avant que les utilisateurs ne les adoptent.


Et aujourd'hui dans un contexte de salariés "suréquipés" en smartphones et parfois en tablettes, la tentation est encore plus grande d'aller faire son choix d'outils dans des stores en ligne regorgeant d'applications collaboratives sans poser la question à la DSI. La pression sur les équipes du SI collaboratif est donc toujours aussi forte pour l'adoption des solutions de collaboration internes sécurisées. Elle passe maintenant par la disponibilité de son offre de façon sécurisée sur les nouveaux équipements mobiles des salariés.


Et l'exercice n'est pas simple, tant l'internet grand public financé par le capital et la prise de risques est puissant par rapport à une informatique d'entreprise qui ne jure que par la réduction des risques et des coûts.


En 2013, cinq années ont passé depuis cette période d'aventuriers dont on retrouve nombreux témoignage sur le Web. Cinq ans, la demi-vie d'une application, à l'échelle du cycle des applications qui ne dure rarement plus de 7 à 10 ans. Et donc, aussi surprenant que cela puisse paraître, certaines entreprises parties en premier sont déjà en train d'attaquer le début du second cycle et rationaliser leurs applications collaboratives, alors que d'autres se posent encore la question de savoir s'il y a un ROI à la collaboration dans l'entreprise.

Le chaos 2.0 se profile-t-il à l'horizon?

Au fils des ans, les outils de collaboration se sont développés, empilés: intranet à tout faire, communications unifiées, email encore et encore, messagerie instantanée, visioconférence, réseau social, photothèques, vidéothèques, recherche étendue, drive partagés dans le cloud, annuaires d'entreprise,... chacun voulant assoir sa position pour assurer son avenir et recouvrir le domaine du voisin pour gérer sa croissance.

Signe de ce changement d'époque, des conférences sont positionnées cette fin d'année pour aborder ce nouveau cycle sur le thème de : l'urbanisation du collaboratif dans cette jungle d'outils à tout faire. Et notamment le 17 Septembre au Morning 01Business sur l'Entreprise collaborative, où j'interviens dans une table ronde avec Arnaud Rayrole, DG du cabinet Lecko, spécialistes des réseaux sociaux et outils collaboratifs. 


L'évolution du référentiel de Lecko qui cartographie toutes les solutions collaboratives d'entreprises est d'ailleurs intéressante. Avant on y cherchait des solutions complémentaires pour couvrir la palette fonctionnelle globale des besoins. Maintenant on y va pour savoir ce que l'on achète en double, car toutes les solutions se recouvrent... Bon d'accord, j'exagère, mais on en est pas loin.




Par exemple un produit comme Exo qui, comme beaucoup d'autres, se positionne dans tous les domaines, de la recherche d'informations au partage de ressources en passant par la gestion de projets, offre finalement peu de choix aux DSI. L'adopter ou y renoncer.


Ce n'est plus la couverture fonctionnelle qui va tirer le choix, mais sa capacité à n'activer que les modules nécessaires pour compléter des outils déjà installés dans l'entreprise.


On entre aussi dans une zone dangereuse. Car ne nous leurrons pas. Cinquante produits n'arriveront pas à survivre sur le marché de la collaboration en France. Les ERP ont aussi connu un cycle d'expansion puis de consolidation et de rachats pour converger sur une offre plus réduite et couvrant un champ plus large. C'est certainement le scénario qui va se produire dans les outils de collaboration dans les deux prochaines années avec la fin de vie des premières applications.


Et puis les ERP 2.0 vont aussi finir par débarquer dans l'arène de la collaboration avec la promesse de mettre de la collaboration dans les processus métiers. Arriver à mixer processus métier et collaboration sociale, le saint Graal de l’entreprise 2.0:


L’urbanisation des systèmes collaboratifs devient un impératif.

Elle est essentielle à la fois :

  • pour éviter des investissements inutiles dans des outils redondants, et les coûts de maintenance associés,
  • pour redonner à l'utilisateur une expérience "sans couture" d'un outil à l'autre,
  • (et surtout) pour que l’utilisateur voie l'utilité de la collaboration dans le cadre de ses responsabilités opérationnelles. Les utilisateurs qui ont franchi cette porte, souvent seuls, en tirent des avantages et le disent. C'est aussi vrai avec la collaboration externe à l'entreprise. Alors, comment en faire un modèle général dans l'entreprise et dépasser les quelques exceptions actuelles.

Mais l'urbanisation du SI collaboratif doit aller au-delà de la répartition des fonctions entre les outils, du type: "tel outil gère les documents et tel outil gère les discussions." Des objets communs et partagés par tout le collaboratif apparaissent. Comme le profil utilisateur par exemple. Il est dommage de ne pas savoir quand on discute avec quelqu'un ce qu'il a publié comme document, et réciproquement dans un document quels sont les thèmes de discussions que l'auteur anime dans l'entreprise pour son travail. Le partage du profil utilisateur entre applications collaboratives permettrait de le faire, à condition que ce profil soit en retour enrichi par toutes ces applications.


De même, les statistiques d'utilisation des outils ne doivent pas être piégées dans chaque plateforme. C'est même essentiel pour voir l'adoption de nouveaux usages et piloter le développement des usages de façon transverse à moindres coûts.


Profils utilisateurs, catalogue des sources, statistiques d'utilisations,.. le partage de ces référentiels devient un impératif si l'entreprise veut construire une plateforme de collaboration sans couture, pour piloter sa transformation et développer de nouveaux usages.


Dans le monde de l'internet grand public, Google par exemple, ne se pose aucune question (alors qu'il devrait...) créer ces référentiels, pour croiser et rapprocher les usages de ses différents produits, mieux cerner les utilisateurs et leur proposer proactivement de la publicité. Dans le monde de l'entreprise, l'éclatement des produits et la faible urbanisation, freine cette possibilité d'avoir une vision globale de la collaboration et mieux aider l'utilisateur à travailler.


Certes des standards d'interopérabilité apparaissent (OpenID, OpenSocial,...) mais ils ne sont pas encore... standards! Et d'ailleurs en  2009, le W3C appelait déjà de ses voeux à une architecture de collaboration distribuée et décentralisée que l'on attend toujours. Ceux qui sont à la manœuvre doutent d'une issue à court terme:


La DSI n'a donc pas beaucoup d'options.


Soit elle attend la consolidation de l'offre ou l'émergence de standards qui devraient faire émerger quelque chose de mieux intégré, soit elle prend le taureau par les cornes et gère l'intégration elle même. Ceux qui ont démarré l'aventure il y a quelques années ont déjà plein d'outils 2.0 à mieux intégrer entre eux pour créer une meilleure expérience utilisateurs. Les autres seront vigilants avant de s'engager sur l'une des 50 plateformes disponibles et questionneront son ouverture et son intégration.


Profitons de la période pour échanger et partager sur nos trajectoires respectives, car GreenSI flaire que les embuches risquent d'être aussi au rendez-vous.
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